TRANSCRIPTION DES INTERVENTIONS DE HESSIE PENDANT LA TABLE RONDE À L’E.N.S.B.A.
modérée par Sonia Recasens avec Hessie, Kapwani Kiwanga et Myriam Mihindou
le 15 janvier 2015 durant l’exposition « Cosmogonies ».
(Merci à Martine Markovits et Jany Lauga)
Hessie, Kapwani Kiwanga, Myriam Mihindou et Sonia Recasens,
École normale supérieure des beaux-arts de Paris.
Ma façon de travailler est, comment dire, au commencement j’ai une très vague idée et une fois que j’ai commencé à travailler, les choses se mettent en place. Mais je ne planifie pas les choses et de cette façon j’arrive à faire des séries de choses et une fois que je suis fatiguée de cette idée et de cette exécution, je passe à autre chose.
J’adorais les boîtes — après on plonge et dans ces boîtes je mettais des plumes, des choses comme ça et au dessus je mettais des grillages. Depuis j’utilise des gazes et donc il y a plusieurs profondeurs dans le travail mais les boîtes sont très lourdes et pas très faciles à porter.
À un certain moment j’ai aussi utilisé des dentelles mais après ça devenait trop cher, donc j’ai arrêté. Mais par exemple j’avais une série où j’ai utilisé des emballages de mandarines et d’orange en papier.
J’ai toujours été fascinée par le fait, par exemple, que les Esquimaux cousent aussi. C’est assez inimaginable parce qu’ils portent des vêtements qui sont fabriqués par eux-mêmes et, à l’époque, ils n’avaient pas d’aiguilles en métal, ils utilisaient l’os de poisson. Et il y a beaucoup de choses à retenir, c’est à dire que si on veut, on peut.
Certaines pièces je vis avec…
Disons que la plupart des femmes survivent à quelque chose.
Je trouve que l’on jette beaucoup de choses qui pourraient être recyclées et qui pourraient donner des résultats étonnants mais bon, on est au XXIème siècle et peut-être que les gens vont réfléchir…
Je ne suis pas en avance, je suis très en arrière.
Survivre à Jeff Koons! [rire général]
Une fois qu’on vous ampute, vous avez une vie qui est complètement différente que d’autres personnes qui ont de jolies jambes et donc on est obligé d’inventer la vie sans jambes, et voilà.
J’ai trouvé que c’était peut-être une forme d’éducation pour montrer à d’autres qu’on pourrait survivre étant dépourvue d’un premier élément [?]. Ceci dit, à l’époque, je me rappelle quand j’étais enfant je voyais des femmes qui marchaient sur les fesses et elles allaient très rapidement et elles étaient vivantes, complètement vivantes. Et on ne pouvait plus du tout avoir la notion d’une handicapée en la voyant parce qu’elle existait vraiment. Elles n’avaient pas comme maintenant « Ah je ne suis pas bien, je ne suis pas assez bien », ça n’avait rien à voir, elles existaient vraiment comme ça.
Plus tard, j’ai rencontré un jeune américain à Paris et on m’a dit, mais tu sais, sa mère est handicapée. Elle a mis au monde des enfants tout en étant handicapée et ce garçon, il était très bien portant, il a même été marchand de tableaux pour un certain moment.
Ceci dit, j’ai des amis qui ont des scolioses et j’admets que certains ne sont pas du tout handicapés dans leur tête, donc le handicap a aussi un gros pourcentage de mental.